Alexandre Pouchkine

"Eugène Onéguine"

CHAPITRE PREMIER.

I

"Dès qu'il tombe sérieusement malade, mon oncle professe les principes
les plus moraux. Il a pu se faire estimer, sans pouvoir inventer rien de
mieux. Son exemple est une leçon. Mais, grand Dieu ! quel ennui de
rester nuit et jour auprès d'un malade sans le quitter d'un seul pas !
Quelle basse perfidie que d'amuser un moribond ! d'arranger ses
coussins, de lui présenter avec recueillement ses remèdes, de pousser de
gros soupirs, en même temps que l'on pense à part soi: Quand donc le
diable t'emportera-t-il?"

II


Ainsi se disait, entraîné par des chevaux de poste, dans des flots de

poussière, un jeune étourdi que les arrêts de Jupiter destinaient à

devenir l'héritier de tous ses parents. Amis de Rouslan et Ludmila,

permettez que, sans plus de préambule, je vous fasse faire la

connaissance du héros de mon roman. Onéguine, mon camarade, est sur

les bords de la Néva, peut-être aussi vous êtes , ou bien vous

avez brillé, lecteur. Moi aussi je m'y suis promené, mais le climat du

Nord me semble nuisible.


III

Ayant servi d'une façon exemplaire, le père d'Onéguine ne vivait que de

dettes. Il donnait trois grands bals chaque hiver, et il finit par se

ruiner. Mais le destin veillait sur son fils Eugène. Dans son enfance,

une madame prit soin de lui; puis un monsieur la remplaça. Ce monsieur,

pauvre abbé français, pour ne point tourmenter l'enfant, lui apprit tout

en plaisanterie; il ne l'ennuyait point d'une morale trop sévère, le

grondait doucement de ses fredaines, et le menait promener au Jardin

d'Été.

IV

Quand vint pour Onéguine l'époque des orages de la jeunesse, des

espérances immodérées et des tendres rêveries, M. l'abbé fut congédié !

Voilà mon Onéguine libre comme l'air. Les cheveux coupés à la dernière

mode, habillé comme un dandy de Londres, il fit dans le monde son

entrée. Il parlait et écrivait fort bien le français, dansait

correctement la mazourka, et saluait avec grâce. Que faut-il de plus?

Le monde décida qu'il était charmant et plein d'esprit.

V

Nous avons tous, par petites bribes, appris fort peu de choses et fort

mal, de sorte qu'il n'est pas difficile, grâce à Dieu, de briller chez

nous par l'éducation. Onéguine était, de par la décision d'une foule de

juges compétents et sévères, un garçon plein de science, mais pédant. Il

avait l'heureux talent de tout effleurer dans une conversation; de

garder le silence, avec l'air profond d'un connaisseur, dans une

discussion sérieuse, et d'exciter le sourire des dames par un feu

roulant d'épigrammes inattendues.

VI

Le latin est passé de mode aujourd'hui. Aussi, à vrai dire, savait-il

juste assez de latin pour déchiffrer une épigraphe, pour donner son

opinion sur Juvénal, pour mettre Vale à la fin d'une lettre, et, dans

les grandes occasions, pour citer, non sans fautes, deux vers de

l'Énéide. Il n'avait aucun goût pour fouiller la poussière chronologique

des légendes humaines; mais toutes les anecdotes des temps passés,

depuis Romulus jusqu'à nos jours, étaient gravées dans sa mémoire.

VII


N'ayant jamais eu la passion étrange d'user sa vie à la recherche de


vains sons, il ne put jamais, malgré tous nos efforts, distinguer un

dactyle d'un spondée. Il se moquait d'Homère, de Théocrite; mais, en

revanche, il prisait fort Adam Smith. Il était un profond économiste,

c'est-à-dire qu'il savait raisonner sur les causes de la richesse d'un

État, et dire comment cet État subsiste, et pourquoi il n'a nul besoin

d'or quand il a des produits naturels. Son père ne put jamais le

comprendre, et continua à engager ses biens.

VIII

Inutile d'ajouter tout ce que savait encore Onéguine. Mais en quoi il

avait un vrai génie, ce qu'il savait mieux que toute autre science, ce

qui avait été pour lui, dès sa jeunesse, un travail, un tourment, une

jouissance, ce qui occupait du matin au soir sa paresse inquiète,

c'était la science de la tendre passion qu'a chantée Ovide, et pour

laquelle il dut finir dans les souffrances sa vie brillante et orageuse,

exilé en Thrace, au fond des steppes désertes, loin de sa chère Italie.

IX

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X

Oh ! comme il savait feindre, cacher son espérance, montrer de la

jalousie, faire croire et faire cesser de croire, prendre l'air sombre

et désespéré, paraître tantôt fier et tantôt docile, plein d'attention

ou plein d'indifférence ! comme il savait garder un silence langoureux

ou développer une éloquence enflammée ! comme il savait donner une

heureuse négligence aux effusions de cœur de ses lettres ! comme il

savait n'avoir qu'une pensée, qu'un but, s'oublier lui-même ! comme son

regard, rapide ou tendre, timide ou hardi, savait à l'occasion se voiler

d'une larme obéissante !

XI

Ah ! oui, il savait paraître toujours nouveau, étonner l'innocence par

une lointaine allusion, l'effrayer par un désespoir de commande,

l'amuser par une aimable flatterie; il savait saisir l'instant de

l'émotion, vaincre par le raisonnement ou la passion les préjugés de

l'adolescence, attendre la première faveur involontaire, supplier, puis

arracher l'aveu, appeler et faire répondre le premier accent du cœur,

s'obstiner dans sa poursuite, obtenir enfin une entrevue secrète, et

triompher par la solitude et le mystère.

XII

Il avait su de bonne heure émouvoir même le cœur des coquettes de

profession. La médisance la plus acérée était à ses ordres quand il

fallait annuler des rivaux et les faire tomber dans ses filets; mais

vous, heureux maris, vous restiez toujours ses amis. Tous le

caressaient: et le rusé disciple de Faublas, et le vieillard

soupçonneux, et le majestueux trompé, toujours content de lui-même, de

son dîner et de sa femme.

XIII

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XIV

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XV


Il est encore au lit, que déjà on lui apporte des billets. Qu'est-ce?

des invitations, précisément. Dans trois maisons il est prié pour la

soirée. Là, un bal; ici, une fête d'enfants. Où ira-t-il? par où

commencera-t-il? Eh bien, il ira partout. Cela décidé, en toilette du

matin, un large bolivar sur la tête,

Onéguine part pour le boulevard de l'Amirauté, et s'y promène


nonchalamment jusqu'à ce que sa vigilante montre de Bréguet ait marqué

l'heure du dîner.

XVI

Déjà la nuit vient; il se jette dans un traîneau, et le cri de gare !

gare ! retentit. Son collet de poil de castor s'argente d'une fine

poussière glacée. Il arrive chez Talon, sûr que Kavérine

l'y attend. Il entre, et le bouchon saute au plafond; le vin de la

comète jaillit. Il entre, et voici déjà devant lui le roastbeaf

saignant, et les truffes chères au jeune âge, et toute la fleur de la

cuisine française, et l'inaltérable pâté de Strasbourg, entre le

succulent fromage de Limbourg et l'ananas aux flancs dorés.

XVII


La soif demande encore des verres pour arroser la graisse brûlante des

côtelettes; mais le son de la pendule annonce qu'un nouveau ballet

vient de commencer. Législateur exigeant de la scène, adorateur

inconstant des séduisantes actrices, citoyen émérite des coulisses,

Onéguine s'élance vers le théâtre, où chacun, s'érigeant en critique,

tantôt applaudit un entrechat, tantôt siffle Phèdre ou Cléopâtre, et


toujours pour se faire remarquer.

XVIII

Séjour enchanteur ! Là, naguère, brillait le hardi maître de la satire,

l'ami de la liberté, von Wiesin,

et le facile imitateur Kniajinine;

là, Ozérof

partageait avec la jeune Séménof

le tribut des larmes et d'applaudissements arraché à tout le public;

là, notre Katénine

a ressuscité le mâle génie de Corneille; là, le piquant Chakovskoï

a lâché le bruyant essaim de ses comédies; là, Didelot s'est

couronné de gloire; là, là, à l'ombre des coulisses, mes jeunes années

se sont envolées rapidement.

XIX


Ô mes déesses ! où êtes-vous? qu'êtes-vous devenues? Écoutez ma voix

plaintive. Êtes-vous encore là, ou d'autres beautés vous ont-elles

succédé sans vous remplacer? Entendrai-je encore vos chants? verrai-je

encore le vol léger de la Terpsichore russe? Ou bien mon triste regard


ne doit-il plus revoir les visages connus sur la scène éplorée par votre

absence? Et, spectateur indifférent du plaisir d'autrui, sous mon

lorgnon désenchanté, vais-je bâiller silencieusement en me rappelant mon

passé?

XX

Le théâtre est plein. Les loges rayonnent. Le parterre bouillonne et les

stalles s'agitent. Le paradis impatient bat des mains. La toile

s'envole. Alors, étincelante, aérienne, obéissant à l'archet magique, et

entourée d'un cortège de nymphes, paraît Estomina. Rasant à peine

le sol d'un pied agile, elle tourne lentement sur elle-même, puis elle

bondit, s'élance, s'élance comme un duvet qu'emporte le souffle d'Éole,

ploie et déploie sa taille, et frappe son pied de son pied rapide.

XXI


Tous applaudissent. Entre Onéguine; il marche sur les pieds à travers

les fauteuils; il dirige, en faisant la moue, son double lorgnon sur

les loges occupées par des dames inconnues; puis, après avoir parcouru

tous les rangs de spectateurs, il se déclare fort mécontent de tout, des

figures, des toilettes; il échange des saluts avec les gentilshommes,


jette un regard distrait sur la scène, se détourne, et dit au milieu

d'un bâillement: "Il est temps de les chasser tous; j'ai longtemps

souffert les ballets, mais Didelot lui-même me devient insupportable."

XXII

Les Amours, les Diables, les Dragons sautent et tournent encore sur la

scène; les laquais fatigués dorment encore dans le vestibule sur les

pelisses de leurs maîtres; on n'a pas encore cessé de frapper des

pieds, de tousser, de se moucher, d'applaudir; les quinquets brillent

encore au dedans et au dehors du théâtre; les chevaux, couverts de

givre, continuent à piétiner sur place, tandis que les cochers, autour

des grands feux, maudissent les plaisirs de leurs seigneurs et se

réchauffent les mains en se frappant les uns les autres; et déjà

Onéguine a quitté le théâtre. Il rentre à la maison pour faire sa

toilette.

XXIII


Peindrai-je, dans un tableau fidèle, le cabinet solitaire où

l'exemplaire nourrisson de la mode s'habille, se déshabille et se

rhabille? Tout ce que l'esprit mercantile de Londres nous apporte sur

les flots de la Baltique en échange de nos bois et de nos suifs; tout

ce que le goût insatiable de Paris invente pour notre luxe, nos

fantaisies, nos plaisirs; tout cela décorait le cabinet d'un philosophe

de vingt ans:

XXIV

Ambre sur les grandes pipes de Constantinople; porcelaines et bronzes

sur les meubles; cristaux à facettes remplis d'essences; peignes,

limes en acier, ciseaux droits, ciseaux tordus, brosses de trente

espèces pour les ongles et pour les dents. Cela me fait penser que

Rousseau n'a jamais pu comprendre comment l'austère Grimm se permettait

de se nettoyer les ongles en sa présence. Le défenseur de la liberté et

des droits, en cette circonstance, n'avait pas le sens commun.

XXV


On peut être un homme raisonnable et avoir la manie de soigner ses

mains. Ne disputons jamais contre l'opinion du monde; la coutume est le

seul despote sur la terre. Craignant par-dessus tout le blâme qui

s'attache aux misères, Onéguine était très-recherché dans sa toilette.

Il était capable de passer trois heures entre des miroirs, et il sortait

de son boudoir semblable à la pimpante Vénus, si, vêtue d'un habit

d'homme, elle se rendait au bal masqué.

XXVI

Je pourrais, à cette heure, occuper le monde savant par une description

minutieuse d'une toilette à la dernière mode; mais, pantalons, fracs,

gilets, ce sont des mots qu'on ne trouve pas dans la langue russe, et je

vois déjà, je l'avoue à ma honte, que mon pauvre style aurait pu se

moins bigarrer de mots étrangers. Mais il y a trop longtemps que je m'ai

pu mettre le nez dans notre grand dictionnaire de l'Académie.

XXVII


Nous avons autre chose à faire. Partons plutôt pour le bal, lecteur, où

déjà Onéguine a galopé dans une voiture de louage. Le long de la rue

endormie, devant les maisons sombres, les doubles lanternes des voitures

rangées à la file laissent tomber sur la neige de petits arcs-en-ciel

lumineux. Un splendide palais se dresse, tout illuminé d'un cercle de

lampions. Des ombres passent sur les glaces sans tain des fenêtres. Ce

sont des profils, tantôt de femmes charmantes, tantôt d'originaux à la

mode.


XXVIII

Notre héros est déposé sur le perron. Il passe rapidement devant le

suisse, s'élance sur les degrés de marbre, et, ébouriffant ses cheveux

d'un coup de main, il fait son entrée. Le salon est plein de monde. La

musique semble fatiguée du tapage qu'elle a déjà fait. C'est la mazourka

qui retentit. Il y a foule et bruit partout. Les éperons des officiers

résonnent; les petits pieds des dames volent sur le parquet, et des

regards enflammés volent aussi sur leurs traces, tandis que le

grincement des violons étouffe mille sortes de murmures jaloux et

caressants.

XXIX

Au temps des plaisirs et des désirs irrésistibles, j'étais fou des bals.

Il n'y a pas d'endroit plus sûr pour risquer une déclaration ou glisser

un billet. Ô vous, maris que je respecte à présent, faites attention à

mes paroles, car je désire vous être utile. Et vous aussi, mamans,

prenez bien garde à ce que font vos filles. Tenez vos deux yeux bien

ouverts; sans cela, que Dieu vous garde ! Je parle ainsi maintenant,

parce qu'il y a longtemps que je ne pèche plus.

XXX

Hélas ! j'ai sacrifié une bonne part de ma vie à de vains amusements.

Mais si les mœurs n'en souffraient pas trop, j'aimerais les bals même à

présent. Je me plais à la franche folie de la jeunesse, à l'éclat, à la

joie, à la foule pressée, aux toilettes savantes des dames. J'adore

leurs petits pieds; mais, par malheur, c'est à peine si vous trouveriez

dans toute la Russie trois paires de jolis pieds de femme. Une surtout...

longtemps je n'ai pu l'oublier; triste et renfrogné que je suis, elle

revient encore à mon souvenir, et, jusque dans mon sommeil, j'en entends

le doux frôlement.

XXXI


Insensé ! où, quand, dans quel désert, pourras-tu donc oublier le

passé? Et vous, pieds charmants, où êtes-vous à cette heure? où

foulez-vous les fleurs du printemps? Choyés dans la paresse orientale,

vous n'avez pas laissé de traces sur la neige de nos tristes climats.

Vous n'aimiez que le doux attouchement des moelleux tapis. Combien de

temps y a-t-il que j'oubliai pour vous et la soif de la gloire dont je

suis dévoré, et la contrée de mes pères, et l'exil où je languis? Tout

ce grand bonheur de mes jeunes années a disparu comme la trace légère

laissée sur les champs qu'effleuraient vos pas.

XXXII

Le sein de Diane, les joues de Flore sont charmants, je l'avoue; mais

le pied de Terpsichore est plus attrayant pour moi. Je l'aime, Elvina,

sous les longues nappes des tables de banquet, au printemps sur l'herbe

des prairies, en hiver sur le fer des cheminées, sur le parquet

miroitant des salons, sur le granit des rochers qui bordent la mer.

XXXIII

Je me souviens d'une mer soulevée par l'ouragan. Comme je portais envie

aux flots qui accouraient se pressant l'un l'autre pour se coucher

amoureusement à ses pieds ! Comme j'aurais voulu venir avec les flots

toucher de mes lèvres ces pieds charmants ! Non, jamais, au milieu des

élans de ma jeunesse emportée, je n'ai souhaité avec tant d'ardeur les

lèvres des jeunes Armides, ou les roses de leur visage ! Non, jamais la

passion n'avait si fortement ébranlé mon âme !

XXXIV

Je me souviens d'un autre temps encore. Dans mes pensées, je me vois

tenant un heureux étrier, et je sens le doux poids d'un pied dans ma

main. Mon imagination s'enflamme à ce souvenir, et mon cœur se met à

battre comme alors. Mais c'est assez célébrer des coquettes sur ma lyre

bavarde; elles ne valent ni les passions ni les chants qu'elles

inspirent. Les paroles et les regards de ces enchanteresses sont

trompeurs à l'égal de ces pieds que j'ai trop chantés.

XXXV

Et mon Onéguine ! à demi sommeillant, il retourne du bal dans son lit,

tandis que tout Pétersbourg est déjà réveillé par le bruit de

l'infatigable tambour. Les marchands se lèvent; un vendeur des rues a

déjà crié; l'isvochtchik se

dirige lentement vers la station de son attelage; la laitière, ses pots

en équilibre sur l'épaule, marche allègrement en faisant crier sous ses

pas la neige compacte; les bruits agréables du matin s'éveillent; les

volets s'ouvrent; la fumée des poêles monte en spirale bleuâtre, et le

boulanger, allemand ponctuel, coiffé d'un bonnet de coton, a plus d'une

fois ouvert son vasistas.

XXXVI

Cependant, fatigué des travaux du bal et changeant le jour en nuit, dort

tranquillement dans une ombre heureuse l'enfant gâté du luxe et des

plaisirs. Il se réveille après midi, s'habille, et voilà de nouveau

préparée jusqu'au lendemain sa vie monotone et bigarrée. Et demain sera

ce qu'était hier. Mais était-il vraiment heureux, mon Onéguine, libre, à

la fleur des plus belles années, rassasié de conquêtes brillantes et de

plaisirs renouvelés chaque jour? Lui servait-il à quelque chose d'être

toujours imprudent et toujours bien portant au milieu des festins?

XXXVII

Non. La sensibilité s'émoussa bientôt en lui. Le bruit du monde le

fatigua; les beautés ne furent plus l'objet constant de ses pensées.

Les trahisons même finirent par le trouver indifférent. L'amitié

l'ennuya aussi bien que les amis. Et puis, il ne pouvait cependant pas

toujours arroser d'une bouteille de Champagne des beafsteacks et des

pâtés de foie gras, et semer des mots piquants lorsqu'il avait mal à la

tête. Et bien qu'il eût le sang vif, il cessa de trouver du charme à la

perspective d'une pointe de sabre ou d'une balle de pistolet.

XXXVIII

Une certaine maladie, dont il serait vraiment bon de rechercher la

cause, que les Anglais nomment spleen, et nous autres Russes khàndra,

s'empara de lui peu à peu. Il n'essaya point de se brûler la cervelle,

mais il se refroidit complètement dans son amour de la vie. Un nouveau

Childe-Harold, moitié farouche, moitié languissant, apparaissait dans

les salons. Rien ne semblait le toucher, ni les caquets du monde, ni le

boston, ni un regard attendri, ni un soupir indiscret. Il ne remarquait

plus rien.

XXXIX



...........................................................................

XL



...........................................................................

XLI

...........................................................................

XLII

Ô vous, coquettes du grand monde, il vous abandonna avant tout le reste.

On doit avouer que, de notre temps, la vie du haut ton n'est pas mal

ennuyeuse. Bien que certaines dames sachent citer Say et Bentham, en

général leur conversation se compose de balivernes insupportables,

quoique innocentes. En outre, elles sont si impeccables, si

majestueuses, si pleines de science, si riches de piété, si méticuleuses

et si inabordables aux hommes, que leur vue seule engendre l'ennui.

XLIII

Et vous, faciles beautés que de rapides droschkis entraînent, à la nuit

tombante, sur le méchant pavé de Pétersbourg, vous aussi, Onéguine vous

abandonna. Renégat des jouissances bruyantes, il s'enferma dans sa

maison. Il prit une plume, en bâillant, et voulut écrire; mais tout

travail suivi lui était insupportable. Rien ne sortit de sa plume, et il

ne put devenir membre de cette confrérie querelleuse que je ne juge

point puisque j'en fais partie moi-même.

XLIV


Et de nouveau, ressaisi par le far niente, il se rassit devant sa table

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