Un champ de tir est créé à Reggane, au centre du Sahara algérien et à 600 kilomètres au sud de Bechar ; plus précisément à Hamoudia, à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Reggane. Quatre tirs atmosphériques y seront effectués, trois depuis des tours et un au sol.
Le premier essai nucléaire français, Gerboise bleue, est effectué le à 7 h 4 (heure de Paris), sous la présidence de Charles de Gaulle. Cependant, le développement de la bombe est poussé dès 1954 entre autres par Pierre Guillaumat et le ministre de la Défense nationale. Ces derniers convainquent le président du Conseil Pierre Mendès France d'autoriser la poursuite des recherches de l'industrie nucléaire, en indiquant que ces dernières seraient également positives pour le secteur civil de production d'électricité. C'est au début d'avril 1958 que Félix Gaillard, président du conseil sous la présidence de René Coty, décide que ce premier essai aura lieu au début de l'année 1960 et que le site de test sera localisé au Sahara. Dès lors la paternité de la bombe est attribuée à tort à de Gaulle, dont l'opposition moque la « bombinette ». Bien qu'à 70 kt l'essai nucléaire soit le plus puissant réalisé jusqu'alors pour une bombe A, il est de faible puissance relativement à la bombe H dont disposent déjà les États-Unis, l'Union soviétique et le Royaume-Uni. Ce premier essai sera suivi la même année par Gerboise blanche et Gerboise rouge, constituant ainsi les 3 couleurs du drapeau français.
Le rapport annuel du CEA de 1960 mentionne l'existence d'une zone contaminée de 150 km de long environ. Mais le , la carte classée « secret défense » des retombées réelles est divulguée montrant l'immensité des zones touchées, et ce jusqu'en zone subsaharienne, ainsi que des taux de radioactivité différents suivant le déplacement des particules de poussière contenant de l'iode 131 et du césium 137.
À la suite immédiate du putsch des généraux (ou « putsch d'Alger », ), le gouvernement français ordonne d'acheminer rapidement la bombe Gerboise verte sur Reggane où est réalisée le la dernière expérience atmosphérique en Algérie. Le tir de cette bombe est précipité afin que l'engin nucléaire ne puisse tomber dans les mains des généraux d'Alger qui l'avaient localisé dans un entrepôt du port d'Alger, et par crainte qu'ils ne s'emparent des installations atomiques de Reggane.
Anticipant la signature du traité d'interdiction partielle des essais nucléaires, la France abandonne les essais aériens au profit d'essais souterrains, moins polluants. Le site choisi, In Ecker (Sahara algérien), se trouve à environ 600 km au sud-est de Reggane et 150 km au nord de Tamanrasset. Les tirs sont réalisés en galeries, chacune étant creusée horizontalement dans un massif granitique du Hoggar, le Tan Afella. La bombe est placée au centre d'un colimaçon creusé en fin de galerie. Des sacs de sable comblent le bas et le haut de ce colimaçon. Leur rôle est d'exercer une compression lors de l'explosion afin d'assurer l'étanchéité. Les galeries sont fermées par une dalle de béton et doivent permettre théoriquement un bon confinement de la radioactivité. Les Américains surveillent ces essais en installant des stations sismiques en Libye.
Du , date du premier essai nucléaire souterrain français, à février 1966, treize tirs en galerie sont effectués. Lors du deuxième essai le , un nuage radioactif s'échappe de la galerie de tir, c'est l'accident de Béryl. Trois autres essais ne seront pas totalement contenus ou confinés : Améthyste, Rubis et Jade.
Les accords d'Évian signés en mars 1962, à la suite de la guerre d'Algérie, n'autorisent des expérimentations dans le Sahara que jusqu'en juillet 1967, si bien qu'un transfert en Polynésie est envisagé dès 1962. Une clause secrète prévoit tout de même que la France peut exploiter pendant cinq ans les bases d'essais nucléaires ainsi que la base de lancement de missiles de Colomb-Béchar et la base de lancement de fusées d'Hammaguir, et pendant vingt ans la base d'essais chimiques de B2-Namous.
Alors que la construction du site de Reggane a débuté en octobre 1957, l'hypothèse de l'abandon d'un champ de tir saharien est envisagée dès 1958. En novembre 1958, un rapport remis au général Charles Ailleret envisage des sites d'essais souterrains en métropole :
Les Pyrénées ne sont pas étudiées car on y rencontrerait vraisemblablement les mêmes problèmes que dans les Alpes.
En 1960, la recherche de sites s'oriente vers des sites outremer afin d'y déclencher des explosions aériennes de grande puissance. Les îles Kerguelen sont tout d'abord envisagées, ainsi que La Réunion, et l'Océanie (Polynésie française et Nouvelle-Calédonie). La Nouvelle-Calédonie tend à être écartée par crainte de pressions de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie.
En décembre 1961, les autorités politiques donnent la priorité à la Polynésie, car la région est excentrée et proche d'un site d'expérimentation nucléaire du Royaume-Uni et des États-Unis, l'île Christmas. Au 20 décembre, de nombreux sites sont envisagés : Motu Iti, Nuku Hiva, Ua Uka, Eiao et Hatutu dans les Îles Marquises ; Tikehau, Mataiva et Rangiroa dans l'archipel des Tuamotu ; Maupiti dans l'archipel de la Société et Rapa iti dans l'archipel austral.
L'exploration de l'atoll de Moruroa est envisagée pour la première fois le 26 décembre. Fin décembre, le Sahara est considéré comme indisponible au-delà de fin 1963, ce qui rend nécessaire la disponibilité opérationnelle d'un nouveau site dès 1964. En mars 1962, le général Thiry, commandant du Centre interarmées des armes spéciales, accompagné du professeur Henri Jamet, chef du département de protection sanitaire de l'IPSN (institut du CEA) chargé de tenir les discours scientifiques sur l’innocuité des expériences nucléaires, se rend à Tahiti et ils commencent à prendre des contacts. La métropole (Crête des Prénetz), La Réunion, la Nouvelle-Calédonie, les Kerguelen et les Marquises sont définitivement écartées sur la base de considérations essentiellement géologiques. À l'issue d'une mission de reconnaissance dans l'archipel des Tuamotu, les îles Gambier (Tuamotu Sud) sont retenues dès la fin mars. Après des études hydrographiques, Moruroa est choisie comme champ de tir, avec Tahiti comme base arrière. L'atoll de Moruroa est retenu du fait de ses deux passes praticables, des possibilités d'aménager des accès portuaires, une piste d'aviation et des zones de tir. Il présente aussi les avantages d'être un lieu éloigné et désertique, ne présentant qu'une faible densité de population (moins de 2 300 habitants dans un rayon de 500 km et moins de 5 000 dans un rayon de 1 000 km), venté avec un régime de vents dirigeant le nuage radioactif vers 6 000 km d’océans réputés déserts. Le 27 juillet 1962, le Conseil de défense valide ce choix en décidant la création d'un site d'expérimentations nucléaires en Polynésie (C.E.P.) autour de l'atoll de Moruroa et en définissant les grandes lignes de son organisation et de son implantation.
Selon l'historien du nucléaire Dominique Mongin, la Polynésie française a été choisie à la place des îles Kerguelen car « Le problème des Kerguelen, c'est que les conditions météo sont quand même très défavorables. Pour installer un site qui est très loin, ce n'était pas du tout faisable et ensuite on s'est aperçu que sur un plan géologique, c'était très compliqué de mener des essais aux Kerguelen. Il y a eu plusieurs hypothèses avant que le choix s'impose sur la Polynésie française. »
Le général de Gaulle fait passer le message aux élus de l'Assemblée territoriale de Polynésie ayant compétence juridiquement sur les questions foncières, que pour l'intérêt suprême de la Nation, il est prêt à décréter que la Polynésie française deviendrait « Territoire stratégique militaire » doté d’un gouvernement militaire s'ils n'accédaient pas à sa demande de transférer gratuitement les atolls de Moruroa et Fangataufa à la France. Cette pression politique explique la cession des atolls par délibération de l'Assemblée du 6 février 1964 (soit après l'implantation du centre d'expérimentation et de la Direction des centres d'expérimentations nucléaires, les élus polynésiens voulant préserver leurs acquis démocratiques.
Dès janvier 1963, un détachement du génie de la Légion étrangère pose le pied à Papeete. En septembre 1963 débarquent les premiers ouvriers du génie et les entreprises civiles concernées. Les travaux d'infrastructures à Mururoa, mais aussi l'agrandissement de l'aéroport de Tahiti-Faaa et du port de Papeete pour accueillir les avions et bateaux de gros tonnages, sont accélérés.
En 1964-1966, la Marine nationale française mobilise plus de cent bâtiments pour la construction des installations du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) en Polynésie française, comprenant :
À l'été 1965, la Marine nationale française crée le Groupe aéronaval du Pacifique (dit groupe Alfa puis force Alfa) de plus de 3 500 hommes, comprenant sept bâtiments : le porte-avions Foch, et les escorteurs d’escadre Forbin, La Bourdonnais et Jauréguiberry, les pétroliers La Seine et Aberwrach, le bâtiment de soutien Rhin.
La force Alfa appareille le de Toulon et aborde la Polynésie française le 22 mai 1966 afin de superviser les essais atmosphériques n 18 « Aldébaran », n 19 « Tamouré », n 20 « Ganymède » et n 21 « Bételgeuse ». Durant la traversée, la France quitte le commandement intégré de l'OTAN. Le groupe aérien embarqué du Foch comprend 24 avions (12 avions de guet aérien Alizé, 8 avions d’assaut Étendard IV-M et 4 avions de reconnaissance Étendard IV-P) et 22 hélicoptères (10 Sikorsky H-34, 6 Alouette II et 6 Alouette III) et est chargé de surveiller et sécuriser la zone dite « dangereuse » (dispositif Phoebus).
Après que furent repérés à plusieurs reprises dans la zone d'exclusion le bâtiment de recherches scientifiques USS Belmont (en) et le navire de contrôle de missiles et d'engins spatiaux USS Richfield, un sous-marin de nationalité inconnue et un avion ravitailleur (vraisemblablement d'observation et de recueil de prélèvements atomiques) WC-135 de l'US Air Force n 9164, le à 5h05, un Mirage IV n 9 largue sa bombe A AN-21 à chute libre n 2070 au large de Moruroa.
Après deux autres tirs le et le , la force Alfa quitte la Polynésie française le .
La seconde Force Alfa quitte Toulon le 12 mars 1968 pour arriver en Polynésie française le 16 mai. Elle comprend le porte-avions Clemenceau et les avisos-escorteurs Commandant Rivière, Protet, Amiral Charner, Doudart de Lagrée et Enseigne de vaisseau Henry. Quant au groupe aérien, il est composé de douze Alizé de la flottille 9F, de six Étendard IV-M et quatre Étendard IV-P de la 17F et de 10 hélicoptères HSS Sikorsky H-34 de la 31F, Alouette II, Alouette III de la 22S et Super Frelon de la 27S.
Le 24 août 1968, l’essai n 30 « Canopus » d’une bombe H, exécuté à Fangataufa, libère 2,6 mégatonnes. Plusieurs bâtiments américains et quelques chalutiers soviétiques sont aperçus lors de la campagne de tir. Avec la venue de la Force Alfa, l'ensemble du dispositif naval présent autour des deux atolls a représenté plus de 40 % du tonnage de la flotte française, soit 120 000 tonnes.
Quarante-six essais nucléaires atmosphériques ont été réalisés en Polynésie française, sur les atolls de Moruroa et Fangataufa, dont 41 ont entraîné une explosion avec réaction de fission.
Trois modes opératoires ont été utilisés pendant la période des essais atmosphériques :
Les cinq essais de sécurité, destinés à vérifier que les bombes n'explosent pas avant leur amorçage, ne provoquèrent pas de réaction de fission et sont par conséquent à distinguer des autres essais atmosphériques.
Le , Aldébaran, le premier essai nucléaire atmosphérique sur l'atoll de Moruroa (Polynésie française) entraine des retombées radioactives sur la commune des Gambier (Polynésie française). Cet accident de contamination, caché par les autorités du CEP, ne sera révélé qu'en 1998 par le journaliste Vincent Jauvert. La population locale et les soldats présents furent maintenus dans l'ignorance totale des retombées radioactives et aucune mesure d'évacuation ne fut ordonnée pour les protéger.
Le 19 juillet 1966, le tir Tamouré est réalisé par largage aérien, 85 kilomètres à l'Est de Moruroa. La bombe AN-11 de 50 kilotonnes est libérée à 15 000 mètres d'altitude par un Mirage IV de l'escadron de bombardement 1/91 « Gascogne ».
Le , a lieu le premier essai d'une bombe H sur l'atoll de Fangataufa du nom de code opération Canopus. Le tir est commandé depuis le croiseur antiaérien De Grasse se trouvant à environ 60 km de Fangataufa.
En raison de conditions météorologiques différentes des prévisions initiales, six essais atmosphériques ont provoqué des retombées radioactives significatives sur l'atoll de Tureia, aux Gambier et l'île de Tahiti :
Le dernier essai largué à partir d'un avion, dénommé Maquis, est une bombe nucléaire tactique AN-52 larguée à 20 km au sud ouest de Moruroa depuis un avion Jaguar A le 25 juillet 1974.
De 1975 à 1996, la France a réalisé 147 essais souterrains en Polynésie. Ils ont été réalisés dans les sous-sols et sous les lagons des atolls de Moruroa et Fangataufa.
Le est signé le traité de Rarotonga (îles Cook), déclarant le Pacifique Sud « zone dénucléarisée ». La France ne s’y est pas associée, car selon Stéphane Vérine, le traité de Rarotonga vise uniquement la France car de larges omissions et « interdictions particulièrement sélectives » permettent à d'autres pays, dont les États-Unis et l'Australie, d'en contourner l'objectif. Le 15 juillet 1991 est lancé le dernier essai français dans le Pacifique avant un moratoire d’un an décidé par le président François Mitterrand le 8 avril 1992, et renouvelé.
Le le président Jacques Chirac rompt le moratoire et ordonne la réalisation d'une dernière campagne d'essais nucléaires dans le Pacifique. Cette ultime campagne a pour but de compléter les données scientifiques et techniques pour passer définitivement à la simulation.
Ces essais nucléaires, annoncés par le Président au nombre de huit, seront réduits à six. Ils prennent fin avec l'essai Xouthos le à Fangataufa.
Le 29 janvier 1996, le Président Jacques Chirac annonce la fin définitive des essais nucléaires français lors d'une allocution télévisée.
Des tirs froids, explosions chimiques avec des matières radioactives mais sans réaction nucléaire, ont aussi été réalisés sur certains sites militaires. Ils ne sont pas considérés comme des essais nucléaires. De l’uranium appauvri a été utilisé lors de ces tests.
Certains ont été réalisés à l'air libre ou en puits dans les années 1960 à Moronvilliers dans la Marne.
D'autres ont été réalisés en cuve à Moruroa. La cuve et le lieu des tirs étaient dénommés Meknès, en zone Denise. Ces tirs froids, bien que très polluants localement, ne sont pas comptabilisés dans les tirs. Lors d'une opération de décontamination à l'acetone, l'inflammation des vapeurs a fait exploser cette cuve lors de l'accident du .
En France, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’opposition à l’armement nucléaire a toujours existé au sein du mouvement antinucléaire, principalement dans les milieux politiques et scientifiques.
En 1959-1960, l’équipe transnationale « Sahara Protest Team » (Équipe de protestation du Sahara) de 19 membres dont une française, Esther Peter-Davis, entame une action non-violente de protestation et de prise de conscience contre les essais nucléaires français imminents au Sahara, d'Accra (Ghana) à Reggane. Ils sont interceptés par les soldats français avant la conclusion de leur voyage.
En 1965, Jean Rostand, cofondateur et président d'honneur du Mouvement contre l'armement atomique, signe avec Albert Schweitzer et le député polynésien John Teariki une Protestation solennelle contre le sort que le Gouvernement français a décidé d'imposer aux habitants de la Polynésie française et autres territoires du Pacifique par les essais nucléaires français à Moruroa.
Au niveau international, l'organisation Greenpeace lança une campagne en avril 1972, quand David McTaggart et un équipage de cinq hommes appareillent sur un ketch de 12 mètres baptisé Véga. La Marine nationale finit par aborder le navire, l'obligeant à accoster à Moruroa. L'équipe du Véga n'a pu que retarder l'essai sans l'empêcher.
En 1973, Greenpeace envoie un voilier, le Fri (en), qui est intercepté par la Marine nationale au large de Moruroa. À bord on compte notamment le général de Bollardière, le prêtre Jean Toulat, l'écrivain Jean-Marie Muller et Brice Lalonde. Le Vega est de nouveau intercepté et arraisonné par la Marine nationale dans la zone interdite. Selon Michel Rocard, l'État français avait alors saboté plusieurs bateaux pour les empêcher de rejoindre Moruroa.
En juillet 1985, Greenpeace envoie son navire-amiral, le Rainbow Warrior, à plusieurs reprises dans la zone militaire interdite. La DGSE envoie une équipe de nageurs de combat couler le bateau dans la baie d'Auckland. L'opération fait un mort chez Greenpeace et déclenche un scandale international (Les époux Turenge).
En 1995, à la suite de l'annonce de la reprise des essais nucléaires, Greenpeace dépêche à deux reprises son navire amiral à Moruroa. Il sera à chaque fois arraisonné par les nageurs de combat du commando Hubert. Lors de ces deux tentatives, des groupes de zodiacs parviennent toutefois à pénétrer dans le lagon.
Depuis janvier 1994, dans le cadre de la Conférence du désarmement des Nations unies, des négociations ont été conduites en vue de la conclusion du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. En 1994, le président François Mitterrand décide le développement du programme Simulation par la Direction des applications militaires du CEA. Ce programme doit permettre à la France de garantir la sûreté et la fiabilité des armes de la dissuasion, fondé sur le calcul. Il est financé par le ministère de la Défense et doit durer 15 ans.
En , la France signe les protocoles du traité de Rarotonga (création d’une zone dénucléarisée dans le Pacifique Sud).
Le 24 septembre 1996, la France signe le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et commence immédiatement à démanteler le Centre d'expérimentations du Pacifique.
Le 2 octobre 2018, une plainte est déposée devant la Cour pénale internationale contre la France pour crimes contre l’humanité en raison des essais nucléaires réalisés en Polynésie française.
Un rapport d'enquête sénatorial a conclu que les essais nucléaires français seraient à l'origine de cancers chez des militaires et les populations civiles habitant près des zones d'essais nucléaires. La France a promulgué en 2010 une loi sur la reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires effectués de 1960 à 1996.
Les mesures de radioactivité dans une zone surveillée ou supposée contaminée sont effectuées en becquerel (ou, pour des mesures anciennes, en picocurie). Cependant, la présence de radioactivité (même à des niveaux élevés) exprimée en becquerel n'aurait pas nécessairement de conséquence notable sur la santé, l'impact dépendant de la durée d'irradiation et de l'énergie d'émission du radionucléide concerné. Pour évaluer ces conséquences, il faut tenir compte de l'énergie et de la nature des rayonnements émis, et surtout de la durée de l'irradiation et de la manière dont elle atteint le corps. Dans les procédures de diagnostic médical, pour mesurer la dose efficace qui résulte de ce calcul, l'unité utilisée est le sievert (Sv), anciennement le rem. Seules des données en sievert permettent (par définition) de discuter d'un impact sanitaire éventuel, les données en becquerel n'intégrant pas l'impact de la radioactivité constatée sur l'homme.
Des irradiations peuvent conduire au syndrome d'irradiation aiguë (effet déterministe) dès qu'elles dépassent le sievert, et exposent les survivants à un risque nettement accru de cancer (effet stochastique).
La limite de l'effet stochastique statistiquement observable des excès de cancers est de l'ordre de 100 mSv. Pour la radioprotection, on s'intéresse généralement à la limite en dessous de laquelle aucun effet nocif des radiations n'est démontré, soit ≈100 mGy : c'est donc cette limite qui est la plus couramment rencontrée.
L'effet des faibles doses d'irradiation (inférieures à 10 mSv, soit un rem) est conjoncturel et polémique (de nombreuses publications identifient même un effet d'hormèse positif pour des expositions de cet ordre). La limite autorisée pour les professionnels exposés, en France, est de 20 mSv sur douze mois glissants par personne. Au moment des essais, la limite adoptée par les autorités pour les travailleurs 50 mSv/an/personne.
La limite autorisée en France dans les années 2000 pour l'exposition de la population aux rayonnements artificiels (hors exposition médicale) est de 1 mSv/an/personne. Il est à noter que la plupart des militaires ne portaient pas de dosimètres, lorsque leur affectation n'impliquait pas a priori d'exposition au risque d'irradiation ; de ce fait, il est impossible pour ceux-ci de prouver au moyen des mesures de contrôle de doses qu'ils n'ont pas été irradiés, ou contaminés surtout quand l'historique de leur affectation ne relève par ailleurs aucun incident particulier.
L'affectation de certains militaires n'était pas spécifiée. Leur positionnement n'apparaît pas sur les états signalétiques. Un texte prévoit d'ailleurs que cette information ne doit pas apparaître sur les journaux de marche des régiments « Personnel non officier ».
D'autre part, pour ceux qui auraient été exposés à des environnements irradiants, le rayonnement émis par les particules alpha (qui n'ont d'incidence que par inhalation ou ingestion) ne peut pas être enregistré par des dosimètres ; le dosimètre ne permet pas de mesurer l'ingestion ou l'inhalation de particules irradiantes (comme ce fut le cas pour les militaires exposés au nuage radioactif de l'essai Béryl). La France ne possédait pas tous les appareils de mesure adaptés pour ces investigations, ce qui fut reconnu lors de l'élaboration de la loi Morin en 2010. Cette dernière mit en place le CIVEN (comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires) et s'appuya sur un système d'estimation, un logiciel américain, le NIOSH-IREP, encore très controversé à ce jour. Réunion 2013. Le logiciel calcule une estimation de façon théorique. (Discussion et questions réunion CIVEN Associations 21 février 2012 ministère de la Défense hôtel de Brienne sous ministère Longuet.)
L'ensemble des règles et des pratiques de surveillance radiologique du personnel, des populations et de l'environnement était, à l'époque des essais nucléaires, déterminé par la Commission Consultative de Sécurité (CCS) créée en 1958.
Selon le rapport Bataille de 2001, pendant la durée des essais au Sahara, « la France s'est conformée en permanence aux recommandations des organisations internationales compétentes, en particulier celles émises par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR), recommandations reprises dans la réglementation européenne (J0 des , et ) puis nationale (JO du ) ». Toutefois l'efficacité de ces normes présupposait l'utilisation de prévisions météorologiques exactes, ce qui n'a pas toujours été le cas. D'autre part, la perception du risque était moins forte que de nos jours, et parmi les premières victimes figure du personnel ayant ôté son masque.
Les personnes pouvant être soumises aux effets de la radioactivité générée par les essais étaient classées en deux catégories : la première, le personnel directement lié aux essais, le personnel des armées, le personnel du CEA et des entreprises, les travailleurs employés sur les sites ; la deuxième, les populations voisines du champ de tir.
Pour les populations, la dose maximale admissible annuelle était fixée par la CCS à 15 mSv en 1960 puis 5 mSv à partir de 1961.
Quatre essais souterrains sur treize n'ont pas été totalement contenus ou confinés : Béryl, Améthyste, Rubis et Jade. Les deux premiers cités ont entraîné une sortie de laves radioactives. Dans les deux autres cas, les sorties, limitées à des radioéléments gazeux ou volatils, n'ont pas provoqué d'exposition sanitairement significative du personnel et des populations.
Sachant que le seuil limite de radioactivité pour le public est à 1 mSv, Béryl a contaminé de manière non marginale pour la santé le personnel qui a travaillé sur l'essai ainsi que certaines populations civiles, et Améthyste a contaminé de manière non marginale pour la santé 13 travailleurs sur l'essai nucléaire à hauteur de 10 mSv. Les essais nucléaires Rubis et Jade ont provoqué une fuite d'un nuage radioactif inférieur à 1 mSv donc non-dangereux pour l'Homme.
Les essais Béryl et Améthyste ont conduit à une irradiation dépassant le seuil réglementaire de l'époque pour le public (5 mSv/an). Des conséquences sanitaires sont envisageables pour la quinzaine de personnes fortement contaminées (à plus de 100 mSv) par l'essai Béryl, mais elles sont trop faibles pour être identifiables statistiquement.
le rapport annuel du CEA de 1960 (cité plus haut) annonce une zone contaminée de 150 km de long, pour Gerboise bleue (13 février), mais une carte « Secret défense », déclassée le , montre la réalité des zones touchées ; ces dernières allant jusqu'en zone subsaharienne. Les taux de radioactivité sont différents suivant le déplacement des particules de poussière contenant de l'iode 131, du césium 137.
Des retombées de césium 137 présent dans la couche d'air saharien sont d'ailleurs régulièrement mesurées jusqu'en France, jusqu'où elles sont régulièrement charriées par le vent. Cette très faible pollution a été estimée en février 2022 à 80 000 Becquerels par kilomètre carré, ce qui ne présente pas de dangerosité, contrairement aux niveaux encore élevés mesurés à proximité de certains sites de tests.